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Le défi d’Emmanuel Macron : Jupiter et Schumpeter


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“Président Jupitérien” fait partie de ces expressions qui trouvent leur fondement dans les changements profonds de Société qu’elles reflètent et le besoin de nommer ces ruptures : les changements de paradigmes post crise de 2008, la disruption née des changements des business modèles issus de la digitalisation (Uber, Airbnb…) ; en l’espèce, c’est une posture d’autant plus originale qu’il s’agit non seulement d’un adjectif qualificatif hautement valorisant mais que l’auteur n’est autre que le Président lui-même qui s’est auto-qualifié de Dieu des dieux.

Certains pourraient y voir un péché d’orgueil alors qu’il s’agit en réalité d’une nécessité absolue pour concrétiser l’utopie économico-écologique (Cf. ma lettre de février 2017, la digicratie ou le populisme) et ne pas tomber dans la dystopie d’un monde en perdition fait de diktats sans dictature.

Des échecs des politiques économiques des pays occidentaux des 40 dernières années et singulièrement ceux de la France, le pouvoir de l’Etat est sorti affaibli alors même que les régulations n’ont fait qu’augmenter ; le principe de précaution l’emportant le plus souvent sur la créativité et la nécessaire protection des plus faibles créant un cercle vicieux d’appauvrissement à long terme. Pablo Picasso disait que l’ennemi principal de la créativité est le bon sens. On imagine aisément sa réaction s’il était confronté à la logorrhée administrative des dernières années ; excès de règles de tous genres qui d’ailleurs ont créé autant d’opportunités à des start-ups venant disrupter les rentes de “régulation”.

L’analyse, certes facile, du passé démontre aisément que la Destruction Créatrice énoncée en tant que principe économique par Schumpeter s’est souvent traduite en France, et d’une manière générale en Occident, par un mélange de manque de courage politique (y compris dans de nombreuses entreprises), de mandats politiques complexes (durée, processus), de règles administratives trop lourdes parce qu’il est plus “facile” (politiquement et économiquement) à court terme de protéger les industries en déclin que de soutenir une innovation consubstantiellement hasardeuse et moins populaire. L’Etat a d’ailleurs toujours recherché un équilibre par nature instable entre être un facilitateur de l’innovation, qui reste du domaine du secteur privé, et avoir une fonction de protecteur de ceux qui sont victimes de cette innovation (de la technologie comme de la mondialisation).

Par son approche pragmatique de droite et en même temps de gauche, Emmanuel Macron, en dirigeant par ordonnances et avec un pouvoir présidentiel fort, s’inscrit résolument dans une logique facilitant l’évolution Schumpétérienne, la seule réellement créatrice de richesses pour la collectivité.

La question centrale est ainsi déplacée vers quel type de création destructrice la Société évolue-t-elle et à partir de là quel est le rôle de l’Etat dans sa fonction de protection/d’accompagnement de la création en cours.

Parmi tous les changements liés à la globalisation et à la digitalisation, la relation au travail est, me semble-t-il, le plus important. L’Entreprise ne peut plus s’engager dans un plan de carrière pour ses collaborateurs car elle mute en permanence, l’obsolescence du “travailleur” est de plus en plus rapide : remplacé par un autre moins cher ailleurs, par une nouvelle technologie qui supprime son poste, par l’arrêt de certains produits ou services, au final une temporalité de plus en plus courte. Le droit du travail est de moins en moins adapté et peine à trouver les réponses : pour caricaturer, un chauffeur UBER est-il réellement auto-entrepreneur alors qu’il ne fixe pas le prix de la course, qu’il peut être sorti du système s’il est mal noté par les clients et qu’il ne se constitue aucun fonds de commerce qu’il puisse céder ? Le développement du statut d’auto-entrepreneur dans les métiers où la variabilité de la charge de travail est importante, y compris dans les métiers qualifiés, devient la règle pour les jeunes et se substitue partiellement à l’enchaînement des CDD.

On ressent ainsi que l’évolution de la Société se traduira nécessairement par plus de “précarité” quelle que soit la forme juridique à venir du Contrat de Travail, l’Etat accompagnant cette évolution économique par son encadrement juridique, la flexi-sécurité –pour prendre là également un terme à la mode– la précarité de l’emploi ne devant pas se traduire par une précarité sociale.

> Cliquez ici pour lire l'intégralité de la lettre de Xavier Lépine