L’effondrement de trois banques américaines la semaine dernière a accéléré la crise de liquidité à laquelle Credit Suisse est confrontée. Mais qu’en est-il d’une contagion aux autres banques européennes et au système bancaire européen et mondial dans son ensemble ? Vous trouverez ci-dessous un résumé de l’analyse de notre responsable Crédit Investment Grade, Jérémie Boudinet.
Depuis plusieurs années, Credit Suisse a été impliquée dans plusieurs scandales médiatisés, soulevant des questions quant à sa gouvernance d'entreprise et sa gestion du risque globale. Par conséquent, nous avons exclu Credit Suisse de nos fonds ouverts ou dédiés en raison de son historique d'incidents opérationnels majeurs et de controverses commerciales, qui ont révélé des lacunes dans sa gestion des risques. Bien que ces incidents diffèrent par leur nature et leur impact, leur accumulation suggère que des problèmes structurels ont longtemps persisté au sein de l’entreprise.
Le 19 mars, tous ces éléments cités précédemment ainsi que le stress subi par la banque ces derniers jours, notamment suite à la faillite des banques régionales américaines, ont poussé la FINMA à donner son approbation à l'acquisition de Credit Suisse par UBS. Cette opération s'est soldée par l'achat de la banque pour 0,76 CHF par action, soit un montant total de 3 milliards CHF. Malheureusement, les détenteurs d'AT1 ont été durement touchés par cette décision, car la valeur de leurs titres est tombée à zéro.
Ce qui surprend ici et crée un précédent est le non-respect de la hiérarchie des créanciers. Contrairement aux actionnaires, les porteurs d'AT1 CoCos de Credit Suisse (15,8 milliards de francs) verront leurs titres totalement dépréciés. Les Cocos T2 quant à elles (1,5 milliard CHF) sont épargnés au même titre que les obligations senior de la HoldCo et de l'OpCo. Force est de constater que les instruments AT1 à "dépréciation permanente" offrent désormais une protection moindre que les obligations CoCos AT1 à "dépréciation temporaire" ou à "conversion en actions".
Credit Suisse a fait face à des difficultés qui ont débuté il y a plusieurs années et qui se sont aggravées ces derniers mois, notamment à la suite de l'effondrement de la SVB, qui a accéléré sa crise de liquidité. Afin d'éviter une défaillance du risque de contrepartie, la reprise de Credit Suisse par UBS est considérée comme la meilleure solution pour le système bancaire européen, car cela permet d'éliminer son maillon systémique le plus faible.
Cependant, cette crise nous rappelle qu'il y a encore des leçons à tirer. Le secteur bancaire a beaucoup évolué depuis la crise financière de 2008, avec des banques aujourd'hui beaucoup plus liquides et capitalisées qu'auparavant et des régulateurs plus réactifs en temps de crise. La pandémie de Covid-19 en est la preuve, car les gouvernements, les banques centrales et les régulateurs ont apporté des réponses appropriées pour soutenir le système bancaire et éviter une crise économique majeure.
Les banques sont désormais considérées comme une réponse à une crise plutôt que comme la cause de celle-ci.
Chaque résolution bancaire est différente et constitue en fin de compte une décision politique plutôt que financière. Les régulateurs ont la possibilité de contourner les textes de résolution si nécessaire (Les banques allemandes ont évité les renflouements ces dernières années pour HSH et NordLB, tandis que Monte dei Paschi a été nationalisée et recapitalisée une fois de plus). Dans le cas de Credit Suisse, elle a été vendue avec une possibilité de récupération pour les actionnaires, mais aucune pour les détenteurs d'AT1.
Enfin, comme nous l'avons souligné dans notre précédente note publiée la semaine dernière il est important de surveiller de près le secteur bancaire parallèle, également appelé "shadow banking". En cas de crise, les actifs illiquides et non cotés, tels que le capital-investissement et la dette privée, peuvent également avoir des impacts négatifs sur le marché. Il est donc crucial de prendre en compte ces actifs dans les évaluations des risques et les mesures de réglementation afin de maintenir la stabilité du secteur.